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Roger Marie DIONISI
Roger MarieDIONISI

Jean-Anatole


Familier des chemins de traverse, Roger Marie Dionisi, docteur en sciences informatiques et également détenteur d’un diplôme de cuisine, est désormais romancier avec la même malice.

PRÉLUDE

Entretien du narrateur et de B. D. paru dans le Quotidien d’Oran, décembre-2021.

Q – Vous qui l’avez côtoyé intimement pourriez-vous nous éclairer sur le lien entre l’adolescence de Jean-Anatole et le drame ? Et tout d’abord, pouvez-vous nous dire ce qui vous a décidé à écrire le récit de cette tragédie ?

J’avais fait la promesse à Jean-Anatole de publier son histoire et malgré la douleur, j’ai tenu parole. Le décor, une enfance et une adolescence difficiles dans un milieu familial fracassé, l’environnement brutal de la rébellion en Algérie et des opérations de maintien de l’ordre, trahisons, mises à mort, attentats, tortures, violences de tous ordres, injustices, exécutions … Ce sont là de multiples aspects de sa jeunesse qui peuvent expliquer les tourments de son âme d’adulte.

Poussant l’insouciance à l’extrême pour résister à toutes ces turpitudes, Jean-Anatole, flanqué de sa cousine Marguerite, va vivre cette période à Oran, éloigné de la poudrière Algéroise où il finira longtemps après par y laisser son âme.

Il a fallu remonter jusqu’à ces temps troublés, le cœur de notre histoire résidant dans les coups de boutoir ayant atteint Jean-Anatole durant ces années d’adolescence. C’est là que se situent à la fois les causes de son tourment et les raisons de ses colères exacerbées par l’obsession de l’injustice et de la justice. Il échouera dans sa recherche du sentiment du tragique, comme possibilité d’intégrer les antonymies qui gouvernent la vie réelle ou psychique pour en accepter la conflictualité.

Q – Il était donc nécessaire pour vous de retourner à ces jeunes années et de nous faire revivre cette période oranaise….

Oui.

Sans cet éclairage il aurait été impossible de comprendre les raisons qui ont poussé Jean-Anatole dans une telle logique et finalement dans une forme de folie.

Je conçois que la rupture nécessaire de décor et de temporalité peut être surprenante a priori pour le lecteur qui se serait installé dans la perspective d’entrer dans une histoire se déroulant in-extenso dans l’Algérie coloniale puis devenue indépendante.

Q – Pourriez-vous nous rappeler les grandes lignes de la vie de Jean-Anatole afin de nous éclairer pour que nous tentions de comprendre l’évolution de cet étrange personnage ?

Il y a tout d’abord cette vie à Oran avec l’abandon de sa mère, la mort de son père, l’échange fusionnel avec sa cousine Marguerite, sans oublier les copains issus de milieux disparates.

Puis, son exil contraint en métropole à la suite des accords d’Évian. Tout ce qui a contribué à la mise en place de sa vie d’adulte et des drames qui l’ont jalonnée était présent dès cette époque. La décapitation par décision du Tribunal d’Exception mis en place à Alger de son ami qui s’était engagé dans la rébellion. Cet épisode douloureux l’a convaincu qu’il avait un rôle à jouer dans cette institution en entrant à l’École de la magistrature de Bordeaux. Jean-Anatole étant un être tout de fougue et de passion il a toujours été dans l’excès en tout y compris dans la mise en œuvre de ses convictions. Ce mot conviction avait un sens très fort pour lui.

Q – Retrouvons-le, si vous le voulez bien à la sortie de l’école de la magistrature et à son entrée dans sa vie d’adulte.

La vie d’étudiant et sa vocation nouvelle l’ont amené à construire un mode d’organisation rigoureux chez un être aussi fantasque.

Le plus marquant a été l’abandon de son amour de jeunesse.

Nomination à un poste envié dans un tribunal de la capitale, mariage avec une jeune femme de bonne famille, achat d’une propriété et installation du couple dans le Vexin. Tout y était. Le premier bébé ne tarda pas à venir pour compléter l’ensemble.

Q – Tout semble alors devoir durer, que s’est-il passé pour que tout cela vole en éclat ?

Un drame. Un vrai drame, la mort d’un enfant. La mère de l’enfant en perdra la raison. Le père en a été à jamais meurtri et a subi un bouleversement dans sa carrière assez inattendu.

Son métier qu’il vivait comme un apostolat ne pouvait souffrir la moindre concession. Il se devait d’être irréprochable. Ce qui n’était alors qu’un dramatique accident a été vécu par lui comme un assassinat. Jean-Anatole n’a pas supporté que l’on puisse l’empêcher d’être jugé et condamné comme il pensait le mériter. Intolérable pour celui qui se voulait le pourfendeur de l’apostasie judiciaire.

Q – C’est donc ce qui l’a amené à la dérive tragique que l’on sait ?

Tout à fait à compter de cet événement il perd la raison et erre de Charybde en Scylla jusqu’à se rompre le cou en se fracassant sur ses rochers.

Q – Le thème de votre récit c’est donc celui de la culpabilité ?

En partie oui.

Mais aussi et peut-être avant tout celui de l’énigme entre détermination et existentialisme. Sommes-nous soumis aux forces du destin ou bien agissons nous en toute indépendance ? Libre arbitre ou fatalité ?

Comment approcher un être aussi complexe que Jean-Anatole dont l’ipséité est un véritable mystère ?

Quel est le fil conducteur qui permet à tout instant de sa vie de relier l’être en devenir et celui qu’il fût depuis son origine ?

Ce récit pose les questions mais se garde bien d’apporter des réponses.

Réalisé avec Sitedit