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Jacqueline Romilly (de)

Les aventures D'ULYSSE


En divers temps, mais plus encore dans notre époque actuelle Ulysse et le poème que lui consacre Homère rencontrent un véritable succès ; ils font l'objet de livres ou bien d"expositions groupant des œuvres d'art d'époques diverses. Il y a donc là un petit miracle. Les aventures d’Ulysse conservent un attrait exceptionnel de fraîcheur et de jeunesse ; si bien qu’elles engendrent un succès plus net auprès des jeunes. Il faut donc expliquer ce petit miracle.

Tout d’abord ces aventures/mésaventures, telles que les rapporte Homère, reflètent un extraordinaire désir de connaître les Hommes et le monde. Assurément, Ulysse — à la suite du siège de Troie (l’Iliade) — ne prolonge pas son périple à plaisir : il veut rentrer chez lui, dans sa lointaine Ithaque. Mais le voyage est si long, si difficile, si périlleux souvent ! Et le voilà qui va de rencontre en rencontre, de pays en pays, d’aventure en aventure. Il se confronte à des régions, des peuples ou des créatures inconnues et étranges, il y découvre des usages fascinants, comme ceux des Lotophages. Sa curiosité aussi le poussera volontairement dans l’aventure ; lorsqu’il accoste sur l’île des Cyclopes. En voguant ainsi en compagnie d’Ulysse sur la Méditerranée, qu’il parcourt de bout en bout, nous nous plaisons à retrouver des pays connus par nous.

Regardons de plus près, le monde où se meut Ulysse, ce monde rassemble deux caractères qu’il est rare de trouver réunis et qui se complètent de façon remarquable.

Le premier trait est la présence du merveilleux. Ainsi Ulysse rencontre des nymphes, ces magiciennes aux pouvoirs surnaturels, comme Calypso ou Circé qui possède celui de changer les hommes en animaux… et ces créatures s’attacheront à lui. Il va croiser les sirènes, dont le chant charmeur est si maléfique pour le plus grand malheur des marins. Tout cela constitue un univers fantasmagorique dans lequel, le lecteur se demande, à chaque récit, comment il va se sortir de ces pièges ; et dans ce merveilleux, comment s’étonner que Ulysse s’entretienne si familièrement avec Pallas Athéna, la déesse qui lui est si fort attachée ?

Mais, si le merveilleux est partout dans le poème d’Homère, il faut noter cet autre trait remarquable du récit : Ulysse n’est qu’un homme, comme le sont les autres hommes. Il n’est nullement surhumain ou héroïque. Certes, il fait preuve de courage et d’obstination, mais il est surtout doté d’intelligence, de ruses et d’adresse guerrière. S’il se défend contre le sacré (les dieux de l’Olympe) et le monstrueux c’est de façon tout humaine. Dans l’épopée d’Homère, j’aime le premier mot qui est jeté en tête du poème : andra qui signifie " un homme ” et l’on peut y lire d’ailleurs que Ulysse, face à l’adversité, pleure, pleure comme un homme. Et Ulysse, après avoir subi tant d’aventures, reviendra chez lui pour y retrouver sa femme, son fils, sa vieille servante, mais aussi son chien Argos qui sera sa première rencontre sur son sol natal :Ithaque.

Dans ce livre, dans ce monde merveilleux, Ulysse reste un compagnon si proche de nous — aujourd’hui encore. Madame Blanc qui nous présente ces récits si poétiquement illustrés par Christian Gace contribue à rapprocher tous ces jeunes lecteurs d’Homère. C’est là une œuvre utile et précieuse. Vivre un peu avec Ulysse n’est pas seulement une merveilleuse distraction, c’est y gagner aussi d’acquérir certaines de ses qualités, au moins de les comprendre et de les aimer.

Jacqueline de Romilly

De l’Académie française.

Réalisé avec Sitedit