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Raymond Clounet

Cocktail d'enfer


L'auteur : Raymond Clounet


Né en 1968, à Paris, Raymond Clounet écrit son journal intime depuis l'âge de 9 ans. Après avoir fait des études de philosophie puis exercé divers métiers, il est devenu scénariste et poète. Avec Cocktail d'enfer – Carnet 103, il signe son premier roman. Raymond Clounet s'est toujours intéressé de près au lobbying et aux procédés permettant d'influencer les dirigeants et l'opinion publique. À leur lumière, il jette un regard pénétrant sur la manière dont certains cabinets de lobbying travaillant pour de grands groupes industriels réussissent à étendre leur empire et à aliéner les consommateurs, en l'occurrence les fumeurs et les buveurs.

Entretien avec l'auteur

 

Comment vous est venue l'idée de ce polar ?

Raymond Clounet : « J'avais envie de révéler au public comment certains hommes deviennent des monstres de manipulation. J'ai voulu montrer aussi de l'intérieur ce qu'est un corrupteur, les questions qu'il se pose, ses problèmes de conscience… Comment un type travaillant pour élargir le marché du tabac et de l'alcool aux jeunes peut vivre le fait d'amener des gens à boire et à fumer alors qu'il en connaît parfaitement les ravages. Ces deux produits sont les plus grands « serial killers » de notre époque : le premier tue 50.000 morts par an en France et le second 60.000. Il me paraît urgent de réfléchir là-dessus, et de faire connaître aussi les plans qui guettent les prochaines victimes…

 

Est-ce que vous–même, vous fumez et buvez ?

Comme beaucoup de gens, j'ai longtemps pris la cigarette et l'alcool comme une liberté individuelle, un choix personnel, et je ne m'en privais pas. Et puis je me suis rendu compte que c'était une erreur d'en faire juste une question de morale. Les statistiques parlent d'elles mêmes, elles font froid dans le dos. Tout le boulot d'un type comme le héros de mon livre est précisément de les faire oublier, de détourner l'attention du public. A titre personnel, la liste des effets nocifs du tabac sur le corps, reproduite dans le livre sans aucun commentaire, est tellement hallucinante qu'elle m'a convaincu d'arrêter de fumer.

 

Pourquoi avoir choisi cette forme littéraire : le polar ?

Le polar me fascine depuis toujours parce qu'il révèle les aspects les plus cachés de la société, nous raconte la vie de criminels qui sont des types qu'on croise tous les jours sans les connaître. Cela m'a naturellement porté à choisir la construction du thriller. Le narrateur est traqué, le danger est de plus en plus palpable et il ne comprend pas d'où ça vient. Sa vie familiale, jusque là protégée, se détruit complètement. Il doit lutter pour ne pas céder à la panique, alors qu'au départ, ce type croit tout pouvoir contrôler en tant que manipulateur professionnel.

 

Pourquoi la forme de ce polar se présente-t-elle sous celle d'un journal intime ?

J'ai toujours été attiré par le fait de savoir ce qui se tramait dans la tête d'un criminel de ce genre, est-ce qu'il avait des remords ou pas, bref est-ce qu'il nous ressemblait ? Le journal intime me paraît idéal pour pénétrer au plus profond d'un tel personnage. Et ça me paraissait très original par rapport au genre « polar », très codifié d'habitude. J'essaie d'entraîner le lecteur dans l'abîme d'un autre homme avec ses propres pensées secrètes, inavouables, ses débats intérieurs, au jour le jour. Ce qui est aussi intéressant, c'est que le journal est un défi avec soi-même, un rendez-vous avec la sincérité et la lucidité… Rendez-vous qui n'est jamais facile. C'est l'occasion de montrer comment un salaud peut avoir des fulgurances déchirantes, comment il dérive à partir d'une conscience qui ressemble à la nôtre, comment il s'enferme dans la toile d'araignée de ses petits calculs et de ses compromis. Bref, comment il se vend lui-même au diable en achetant les autres.

 

Ce personnage est un lobbyiste, pourquoi ?

Rares sont les observateurs qui ont examiné de près les lobbyistes, alors que le rôle de ces professionnels de l'influence est énorme. Elle restait encore moins étudiée sous la forme romanesque. Je m'étonne que les écrivains ne s'y soient pas intéressés plus tôt.
Et une idée m'excitait : jusqu'ici, les polars nous plongeaient volontiers dans la fumée des cigarettes et les vapeurs de l'alcool - beaucoup de polars américains citent des marques d'alcool et de cigarettes à longueur de pages !- alors j'ai voulu jouer avec cette tradition de manière inédite en dévoilant les coulisses. Dévoiler les secrets qui se cachent dans nos cigarettes et dans nos verres… un cocktail d'enfer !

 

Le personnage central est bourré de tocs. Est-ce autobiographique ?

Disons que c'est un sujet qui m'intéresse, comme tout le monde. On a tous des troubles compulsifs plus ou moins cachés. Dans le roman, j'ai scruté surtout les situations qui favorisent leur éclosion et ce qui les fait disparaître. Chez le héros du livre, les tocs se multiplient quand son destin prend un tour angoissant et incontrôlable. Ce sont des tentatives pour se rassurer, certes, mais ce qui est original chez lui, c'est le combat qu'il mène avec l'écriture pour les exorciser et qu'il note les moments où ils reculent.

 

Il tente aussi de repousser le mal par l'écriture…

Oui, et cette lutte n'est pas facile non plus. L'écriture vous expose. Or, ce genre de gars a besoin de l'ombre comme nous de l'oxygène. Ils ne supportent pas les projecteurs. Les types comme ça ont affaire au langage tous les jours pour mentir au public, ce rapport est une affaire intime, ce sont des bonimenteurs, les mots leur servent à cacher plutôt qu'à dire la vérité. Or, écrire un journal intime, c'est tout le contraire, il s'agit de se dévoiler ! Donc une fissure se produit, il traverse une véritable crise existentielle et pense devenir fou. Je me suis amusé d'ailleurs à montrer la déflagration intérieure que peut provoquer chez un tel homme l'approche d'un journaliste d'investigation. L'idée qu'il devient lui-même l'objet d'une enquête l'effraie littéralement ! A cause du risque de voir ses activités dévoilées publiquement... Il n'a vraiment pas l'âme tranquille, il a beaucoup de morts sur la conscience… Mais il parvient à trouver des forces nouvelles dans l'écriture, plus il lui fait confiance, plus elle le change. Il finit par tout remettre en question.

 

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